1 Giu 2025, Dom

Quand le formateur ne croit pas à ma neurodivergence

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Dans le domaine de la santé, où l’efficacité, la disponibilité et la précision sont considérées comme des évidences, être neurodivergent peut représenter une difficulté supplémentaire – non pas tant dans la pratique, mais dans la reconnaissance de son propre fonctionnement. Les neurodivergences – telles que le TDAH, l’autisme, la dyslexie, la dyspraxie, l’anxiété chronique ou les troubles de la régulation émotionnelle – sont souvent invisibles. Et lorsqu’elles se manifestent, elles sont encore fréquemment interprétées comme un manque d’engagement, de politesse ou d’organisation.

Le vrai obstacle : être nié, banalisé, ignoré

Le problème principal n’est pas la neurodivergence en elle-même, mais le fait qu’elle soit minimisée, ignorée ou remise en question. Cela devient encore plus problématique quand, en contexte scolaire ou de stage, le formateur doute de la légitimité de cette condition. Des phrases comme « Si tu avais vraiment un problème, ça se verrait » ou « Tu ne sembles pas différent des autres » reflètent une croyance tenace : si la difficulté n’est pas visible selon des critères extérieurs, elle n’existe pas.

Le TDAH comme exemple emblématique (mais pas unique)

Prenons le TDAH, l’une des neurodivergences les plus répandues – et aussi les plus mal comprises. On le résume souvent à de l’inattention ou de l’hyperactivité, alors qu’il touche le fonctionnement global de la régulation attentionnelle, de la motivation, de la mémoire de travail et des fonctions exécutives. Une personne avec un TDAH peut :

  • oublier une échéance malgré y avoir pensé toute la journée,
  • confondre deux rendez-vous à cause d’une perception temporelle floue,
  • avoir d’excellentes idées sans parvenir à en faire un plan structuré,
  • paraître démotivée alors qu’elle est simplement submergée intérieurement.

Et tout cela, en faisant souvent des efforts considérables pour « ne pas déranger », pour sembler adaptée, compétente, fonctionnelle. Le coût est double. Le jugement reçu est presque toujours : insuffisante.

Derrière la fatigue, des qualités précieuses

La réalité est que de nombreuses personnes neurodivergentes apportent des compétences très précieuses dans les métiers du soin. Dans le cas du TDAH, par exemple, on retrouve souvent :

  • une réactivité exceptionnelle en situation d’urgence ou d’imprévu,
  • une hypersensibilité aux signaux non verbaux et aux changements d’humeur,
  • une capacité à établir des liens inattendus entre différentes informations,
  • une attention intense dès qu’un sujet est perçu comme pertinent,
  • des solutions originales face aux problèmes pratiques,
  • une capacité d’improvisation précieuse en contexte chaotique,
  • un fort sens de la justice et de la solidarité,
  • une grande empathie, parfois masquée par des maladresses sociales,
  • une implication émotionnelle profonde, surtout quand un lien est créé,
  • une mémoire vive pour les expériences fortes ou inhabituelles.

Ces qualités ne sont pas facilement mesurables selon les critères scolaires classiques, mais elles sont fondamentales dans la pratique soignante de tous les jours.

Le poids de l’incompréhension

Le paradoxe, c’est que ces caractéristiques sont non seulement peu reconnues, mais souvent déformées ou moquées comme des « traits de caractère excessifs ». Les apprenant·e·s neurodivergent·e·s doivent non seulement apprendre comme tout le monde, mais aussi sans cesse justifier leur manière d’apprendre, leurs réactions, leur fonctionnement. Tout cela en assumant la même charge scolaire, professionnelle (et parfois familiale) que leurs pairs non neurodivergents.

Beaucoup finissent par se taire. Par honte. Par fatigue. Ou parce qu’après avoir demandé de l’aide sans être cru·e·s, ils n’osent plus parler.

Quand le jugement aggrave la situation

Il est vrai qu’il existe des personnes réellement inadaptées aux métiers du soin. Mais ce n’est pas d’elles qu’il s’agit ici. Et même dans ces cas, l’utilisation de paroles humiliantes et rabaissantes reste une faute pédagogique. Une élève en difficulté ne mérite pas d’entendre : « Tu n’es pas faite pour ce métier » simplement parce qu’elle oublie un dossier ou arrive en retard à une réunion. Il existe des façons rigoureuses, mais respectueuses, d’accompagner dans la difficulté.

De la même façon, ce n’est pas l’anxiété, la sensibilité ou une instabilité émotionnelle qui disqualifient d’office quelqu’un du soin. Ceux qui y travaillent le savent : personne n’est à l’abri d’une fragilité. La question n’est pas de nier, mais de comprendre – et d’apprendre à transformer ses vulnérabilités en ressources conscientes.

Former, ce n’est pas juger

Une pédagogie qui se contente d’imposer des standards sans considérer les parcours ni les points de départ ne peut pas être inclusive. Mais surtout, elle est inefficace. Un jugement rapide efface le processus, empêche la réflexion et détruit la confiance éducative.

La neurodivergence ne demande pas de traitement de faveur : elle demande à être reconnue. Elle existe, elle fonctionne autrement, et elle a besoin d’être vue pour s’épanouir aussi dans les milieux de la santé.

Former, accompagner, évaluer : ce sont des tâches complexes. Il ne faut pas simplifier, mais il ne faut pas rigidifier non plus. La diversité des façons d’apprendre, de communiquer, de s’organiser n’est pas un défaut à corriger – c’est une réalité à intégrer. Il ne s’agit pas de favoriser, mais de libérer le potentiel, plutôt que de le freiner pour sa différence.

Parce que souvent, ceux qui luttent chaque jour avec ce que les autres trouvent facile… sont aussi ceux qui comprennent le mieux ce que souffrir veut dire.

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