31 Mag 2025, Sab

L’apprenti que j’étais, le professionnel que je suis devenu

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Le début qu’on n’oublie pas

Il arrive, au détour d’un geste ou d’un regard échangé avec un apprenti, que je sois ramené en arrière. Je me revois, jeune, désorienté, dans un service où tout me paraissait plus grand que moi. Et je me demande : que penserait l’apprenti que j’étais du professionnel que je suis devenu ?

En tant que formateur, il m’arrive d’entendre des témoignages amers. Des apprentis parlent de collègues froids, distants, parfois franchement hostiles. Et parfois, à la lecture des noms, je reconnais d’anciens élèves. Ceux-là mêmes qui se plaignaient jadis des mêmes comportements, du même mépris silencieux, du fameux “tu n’es qu’un apprenti”, dit ou sous-entendu. Alors je me demande : que s’est-il passé depuis ? Qu’est-ce qui nous est arrivé entre-temps ?

N’oublions pas d’où nous venons

Peut-être avons-nous simplement oublié ce que c’est que de se sentir constamment évalué. Oublié l’angoisse de demander de l’aide, de se sentir de trop. Oublié ce que c’est que d’attendre, en silence, que quelqu’un prenne le temps de nous inclure, de nous rassurer.

Ou alors, au contraire, nous nous en souvenons trop bien. Chaque humiliation, chaque remarque sèche, chaque regard hautain est resté en nous. Et sans même nous en rendre compte, nous reproduisons ce modèle. Comme si le fait d’avoir souffert nous donnait le droit de faire souffrir à notre tour. Mais ce n’est pas une fatalité. Briser ce cycle, c’est aussi rester fidèle à nos valeurs.

Il faut garder vivant cet “apprenti intérieur” : cette part de nous qui continue de douter, de chercher, d’apprendre. Cette part curieuse, fragile, et pourtant précieuse. Car c’est elle qui nous rend humains, attentifs, ouverts à l’autre.

L’apprenti que tu formes aujourd’hui

Former un apprenti, ce n’est pas juste une mission institutionnelle. C’est une responsabilité collective. Chaque geste, chaque mot, chaque silence compte. L’apprenti observe, capte, intègre. Et ce que nous transmettons – volontairement ou non – devient son bagage professionnel et humain.

Comment est-ce que je traite ceux qui apprennent à mes côtés ? Suis-je une source de clarté ou d’anxiété ? Est-ce que j’encourage ou est-ce que je freine ? Un seul mot blessant peut annuler des semaines de confiance durement acquise. Un geste de bienveillance peut, lui, tout changer.

Seuls ceux qui soignent peuvent enseigner à soigner

Dans notre métier, on enseigne sans le dire. Pas besoin de badges ou de titres : nous formons en agissant. Un soupir, un regard, une main tendue… Tout est apprentissage. Ce n’est pas le rôle officiel qui compte, mais la posture quotidienne.

Nous avons tous la responsabilité de créer un climat où l’on peut poser des questions, faire des erreurs, se sentir légitimes. Accueillir un apprenti, ce n’est pas une tâche de plus : c’est un révélateur de qui nous sommes devenus.

Motivation, où es-tu passée ?

Est-ce que j’ai encore cette motivation du début ? Celle qui me faisait rester une heure de plus, juste pour voir un sourire ou soutenir un collègue ? Ou me suis-je éloigné de ce feu ? Est-ce que je suis devenu celui que je critiquais, quand j’étais encore apprenti ?

Si quelque chose s’est éteint, ce n’est pas une fin. C’est un signal. Il est peut-être temps de me reconnecter à ce qui me faisait vibrer. Car sans motivation, chaque journée devient une course à l’usure.

Être cohérent avec ce qu’on a été

La maturité, ce n’est pas le cynisme. C’est la capacité de rester juste dans la difficulté. L’apprenti que j’étais aurait-il de l’estime pour ce que je suis devenu ? Ou ressentirait-il une trahison ?

Être cohérent, ce n’est pas être parfait. C’est garder une ligne, une dignité. C’est pouvoir se regarder en face et se dire : “Je suis la personne que j’aurais voulu rencontrer.”

Pas besoin de cours, juste de mémoire

Parfois, ce n’est pas d’un nouveau protocole dont on a besoin. Juste de mémoire. De se rappeler ce qui nous a fait du bien. Et ce qui nous a fait mal. Et choisir, chaque jour, d’être de ceux qui construisent.

On est tous encore, quelque part, des apprentis. Et plus on reste connecté à cette part-là, plus on peut vraiment accompagner ceux qui débutent. Jusqu’à ce qu’un jour, eux aussi, deviennent des collègues dont on peut être fier.

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